Un sélectionneur d'équipe nationale de football ou de rugby, c'est un peu comme un Président. Quoiqu'il fasse, il le fait mal et est le bouc émissaire de tout ce qui va de travers. Je ne dis pas qu'il n'est pas un peu responsable, ou que je n'ai pas détesté quelques uns des sélectionneurs/Présidents français, mais force est de reconnaître qu'une équipe ou un gouvernement, c'est comme un navire : il n'y a pas que le capitaine dans le bateau, mais tout un équipage.
Après avoir lu le livre de Raymond Domenech, j'avais compris pas mal de choses sur ce principe. C'est pourquoi, en tant que grande fan de rugby, j'ai décidé d'acheter et de lire la biographie de Marc Lièvremont, ancien sélectionneur du XV de France, jusqu'en 2011.
Ne nous mentons pas : d'emblée, dès son arrivée à la tête du XV de France, j'ai détesté Marc Lièvremont. En dehors des médias qui n'ont clairement pas aidé, il y a eu une raison de départ qui a déterminé ma haine de ce sélectionneur : il a viré Jean-Baptiste Elissalde de l'équipe de France... HÉRÉSIE !!! Donc nous deux, ça commençait mal, d'autant que l'équipe a souvent contre-performé sous son ère.
Aujourd'hui, avec l'avènement de Philippe Saint-André, qui ne fait guère mieux que son prédécesseur, j'ai eu envie de me replonger dans le passé. Malgré les nombreuses défaites, auxquelles j'ai assisté grelottant dans le froid du stade de France, je ne pouvais néanmoins que reconnaître que j'avais également vibré lorsque l'équipe de Marc Lièvremont a remporté son grand chelem aux 6 Nations ou lors de la coupe du monde 2011, lors de laquelle nous sommes allés jusqu'en finale.
Et puis il y a eu Marc Lièvremont, commentateur Canal+. Ça a été une révélation, tant son analyse est toujours parfaitement juste. Comment quelqu'un qui analyse si précisément le jeu de l'équipe de France, y perçoit ses forces et faiblesses, analyse ce qui devrait être corrigé avec une pertinence effroyable... comment tune telle personne a pu se tromper autant sur sa propre équipe ? Là, je me souviens m'être dit : "et s'il avait tout compris mais qu'il n'avait jamais été écouté par son équipage ?"
Je voulais en avoir le cœur net.
Titre : Cadrages & débordements
Auteur : Marc Lièvremont
Date de parution : février 2012
Résumé : Cadrage & débordements, c'est d'abord le parcours de Marc Lièvremont à la tête du XV de France, retranscrit par le journaliste Pierre Ballester. Un livre en 3 parties : la coupe du monde 2011, la prise en main du XV de France par le sélectionneur, et la jeunesse de Marc Lièvremont. Portrait d'un humaniste, amoureux du rugby. Ses émotions, sa sincérité à fleur de peau, ses
saillies verbales devenues cultes ("Sales gosses" pour parler des
joueurs, "Tu m'emmerdes avec ta question" à un journaliste) sont partie intégrantes de cette biographie, qui relate le parcours de Marc Lièvremont à la tête du XV de France.
Mon avis : un livre qui ressemble à Marc Lièvremont : factuel, objectif, sincère. Pas de gros scoop sur les coulisses de ce sport, sur les joueurs... rien de tout cela. Marc Lièvremont analyse, match après match sa vision du jeu que devrait mener son équipe et le jeu qu'elle a réellement joué. Simple, concis, un peu froid aussi. Marc Lièvremont se livre peu, et nous avons l'impression par moment de lire un dictionnaire. Marc est pudique, trop pudique. Au final, aucun coupable, juste des faits analysés. Cela fait que les succès et les échecs de l'équipe, on ne les comprend pas trop à la lecture du livre.
Seuls le premier chapitre, extrêmement fort à l'heure de la défaite d'un petit point en finale de coupe du monde ; la description de ses rapports avec François Trinh Duc, complexes, autant que Marc croit en son joueur ; et la 3ème partie, sur son enfance, dévoilent qui est vraiment marc Lièvremont. Un homme entier, intègre et sincère.
Un avis plutôt favorable, mais mitigé, car Marc Lièvremont reste trop timide, trop pudique, et du coup trop descriptif. Or, le rugby est un sport qui déchaîne les passions et j'en attendais, de la passion.
Extrait : un paragraphe a totalement accroché mon attention dans ce livre : celui sur la stratégie de jeu adoptée par l'équipe de France sous l'ère Lièvremont. Je vous l'avoue tout de go : je n'ai rien compris au paragraphe, mais j'ai voulu vous en mettre un extrait, pour vous faire comprendre que le rugby, ce n'est pas que de l'intuition, des performances individuelles. C'est toute une technique, une stratégie d'une complexité absolue.
"Tout d'abord, on a découpé le terrain en zones, aussi bien dans le sens de la longueur que de sa largeur. La longueur du terrain est découpée en 3 zones, qui donnent lieu chacune à des lancements de jeu appropriés afin de faire évoluer le jeu : dans nos trente mètres, c'est la "zone critique", d'où l'on doit absolument sortir sous peine d'encaisser des points ; de nos trente mètres aux trente mètres adverses, c'est la "zone d'initiatives", où il nous faut produire du jeu, mettre l'adversaire à la faute. Enfin, les trente mètres adverses représentent la "zone de marque". C'est dans cet espace qu'on déploie nos différentes stratégies offensives, là où la défense adverse étirée sur un seul rideau est la plus difficile à passer. Le sens de la largeur maintenant. Le terrain est là aussi sectionné en trois zones : la zone proche de la situation de jeu est appelée "bleue" ; la zone la plus éloignée est "rouge" et la zone intermédiaire "blanc". Chaque code couleur - les zones latérales du terrain - donne lieu à plusieurs combinaisons (ou lancements de jeu), qui portent des noms de villes dans notre lexique personnel ; et chaque combinaisons se mue en des séquences qui ont des noms de pays..."
Ma note : 7/10