samedi 9 mai 2020

Un si long silence de Sarah Abitbol

Cette semaine, un sujet un peu moins léger, mais qui reste important dans le contexte "me too", et que la crise du Covid-19 ne saurait faire oublier : celui des violences sexuelles dans le monde du sport. 

Avec cette autobiographie, Sarah Abitbol, patineuse largement récompensée en couple avec son acolyte et compagnon de l'époque Stéphane Bernadis, nous fait part de l'enfer qu'elle a vécu durant des années, alors que son entraîneur l'a violée à plusieurs reprises sous le nez de tous, alors qu'elle était encore mineure. Au-delà d'un énorme loup soulevé dans le monde du patinage artistique - Gilles Beyer ou Monsieur "O", comme elle l'appelle dans son livre, n'en étant pas à son coup d'essai -, la courageuse Sarah Abitbol, qui a réussi à faire tomber une institution que beaucoup croyaient inamovible, fait exploser le monde sportif dans son ensemble. 

Car le patinage artistique n'est que la partie immergée de l'iceberg sportif... un monde où les jeunes filles, qui donnent leur vie de préa-adolescente et d'adolescente à leur sport, feraient tout pour conquérir leur rêve de médaille... et où des immondes porcs savent en profiter car le pouvoir de donner vie à leur rêve est entre leurs mains...


Titre : Un si long silence

Auteur : Sarah Abitbol

Date de parution : janvier 2020

Éditeur : Plon


Résumé : " Vous étiez mon entraîneur. Je venais d'avoir quinze ans. Et vous m'avez violée. 
Il aura fallu attendre trente ans pour que ma colère cachée se transforme enfin en cri public. Vous avez détruit ma vie, monsieur O., pendant que vous meniez tranquillement la vôtre. Aujourd'hui, je veux balayer ma honte, la faire changer de camp. Mais je veux aussi dénoncer le monde sportif qui vous a protégé, et vous protège encore à l'heure où j'écris ces lignes. Quand j'ai voulu parler, à plusieurs reprises, je n'ai pas pu le faire. Aujourd'hui, avec ce livre, je sors de ce silence assassin. Et j'appelle toutes les victimes à en faire autant. "

Mon avis : un récit édifiant et glaçant, qui en a surpris plus d'un parmi les amateurs de sports de glace. Nous autres, téléspectateurs, n'avons vu pendant des années que la beauté du sport, l'abnégation des athlètes qui donnent tout pour réussir et pour faire de leur don un art. Nous avons certes aussi vu des doutes et des contre-performances... mais nous avons, à l'époque, pensé qu'ils étaient du domaine sportif, sans savoir que derrière ces failles se cachait tant de noirceur. De Sarah, avec qui je me suis entraînée dans ma toute petite jeunesse à la patinoire de Bercy, dans le club des Français Volants, je ne me souviens que d'une jeune fille brillante et souriante. A l'époque, elle n'avait pas vécu ce qu'elle allait plus tard nous raconter dans Un si long silence. Ma mère me dit aujourd'hui qu'elle trouvait déjà à ce moment-là son entraîneur, qui traînait toujours autour de la patinoire, antipathique et malsain... mais en réalité, nous n'avons rien vu, nous ne pouvions pas imaginer. Mon dieu, que le choc est rude ! 
Et même des années après, quand j'allais voir les galas de la tournée française des patineurs, je n'ai jamais senti la détresse de la belle et souriante Sarah. Je n'ose pas imaginer ce qu'elle - et son entourage, qui n'a rien vu non plus - a du vivre. Par quoi ils sont passés. La part d'ombre - mais aussi de responsabilité - qu'ils ont tous dû porter. Ce livre, c'est une bombe, une pierre qui plombe... 
Quel courage d'avoir osé enfin rompre ses chaines et dire tout haut ce que tous voyaient tout bas, sans pour autant faire quoi que ce soit, même quand Sarah a commencé à demander des soutiens. Les gens sont souvent lâches, et ceux qui savaient mais qui ont préféré protéger les forts, encore plus. Ils sont à gerber. Sarah est superbe, elle a gagné, et ceux qui la suivent aujourd'hui dans cette voie devraient la remercier d'avoir tenu bon alors qu'il aurait suffit d'un rien pour l'enterrer, l'humilier, pour la faire taire. 
Un fait est à noter dans cette histoire : ce sont les journalistes qui ont porté la voix de Sarah et tant d'autres. Sans eux, il aurait été facile de tout étouffer, de laisser les manettes aux gens de pouvoir... mais dans ce mouvement "me too", il n'est désormais plus possible d'user des sales ficelles d’antan. Les porcs n'ont qu'à bien se tenir et les victimes peuvent désormais libérer leur parole.
Ce livre est une ode au courage. Il doit être lu, car le déni ne fait pas progresser la société. Il m'a émue, fait pleurer plus que de raison, m'a donné envie de vomir, mais je suis aussi plus forte de l'avoir lu, de m'être forcée à le lire. Il raconte simplement, avec les mots d'une petite fille brisée devenue adulte, l’indicible. Sarah, bravo et merci. J'espère que maintenant vous pourrez dormir et vivre, vous le méritez. Votre médaille, la médaille d'une vie, c'est aujourd'hui que vous l'avez remportée. Et vous l'avez offerte à toutes les jeunes sportives pour des générations à venir. MERCI.




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