samedi 25 avril 2020

"Le livre ou le film ? n°13" : Le Concile de pierre de Jean-Christophe Grangé

Comme je l'ai déjà évoqué, en matière d'auteurs de best-sellers, j'ai encore quelques trous dans la raquette et je suis bien souvent passée à travers certaines célébrités. C'est le cas de Jean-Christophe Grangé, dont je n'ai découvert le Vol des cigognes que sur le tard, cédant à l'insistance de mon mari, grand amateur de l'auteur. 

Il faut dire que de Grangé, je ne connaissais que les films, et je n'avais jamais vraiment été conquise par le peu que ceux-ci m'avaient donné à voir (dont L'empire des loups, Les rivières pourpres...). 
Surtout que, récemment, j'avais eu l'occasion de le rencontrer  au Salon du livre de Saint Maur en Poche, où j'avais été lui demander un autographe pour mon mari. J'en étais repartie avec une perception en demi-teinte (de Jean-Christophe Grangé, pas de mon mari), voire carrément négative : pas aimable, désabusé, une participation à un Salon qui semblait le "gonfler" pour rester polie... Du coup, j'avais une perception de l'auteur assez mitigée : "je suis célèbre, donc je vous emmerde", en quelques mots... Le genre qui me fait fuir radicalement.

Mais comme je suis tombée sur par hasard sur le Concile de pierre dans la PAL (Pile À Lire) de ma tante, et que je n'aime pas m'arrêter à une première impression, j'ai persévéré. Comme j'avais plutôt bien aimé le Vol des cigognes, bien que très - voire trop - glauque, je me suis dit "pourquoi ne pas retenter ?". 

Entrons donc à nouveau dans l'antre de M. Grangé... mais ne nous y attardons pas trop. 



Titre : Le Concile de pierre

Auteur : Jean-Christophe Grangé

Date de parution : août 2000

Éditeur : Albin Michel


Quelques infos sur le film :
  • De : Guillaume Nicloux
  • Avec : Monica Bellucci, Sami Bouajila, Moritz Bleibtreu, Elsa Zylberstein et Catherine Deneuve
  • Date de sortie : 2006






De quoi ça parle ?

Diane Thiberge adopte un enfant dans un orphelinat thaïlandais. Le petit Lu-Sian, dit Lucien. Elle ne se doute pas alors que sa vie va profondément changer, mais pas dans le sens où elle aurait pu l'imaginer. Une série de meurtres se produit dans son entourage et qui sont liés au petit garçon. Alors que Lu-Sian est enlevé, sa nouvelle mère se lance à sa recherche. Une recherche qui va la conduire sur les traces des ancêtres de l'enfant, en Mongolie, où une effroyable vérité l'attend. 



Le livre ou le film ?

En ce qui concerne le livre, le style est à la hauteur de l'image que je m'étais faite du bonhomme. Plutôt de bonne facture - tout ce qu'il faut pour faire un best-seller -, mais glauque et suffisant à souhait. Tout ce que le personnage m'avais laissé comme impression malaisante sur le Salon du livre de Saint Maur se retrouve disséminé dans ses écrits. 
Oui, Monsieur Grangé, le style est bon. Mais vous écrivez un peu toujours la même chose de la même manière, et vos histoires alambiquées sont finalement peu crédibles. Sans compter un fond désagréable et qui met mal à l'aise le lecteur, sans savoir vraiment quoi. Il parait que c'est le but... 
Grangé semble adorer l'entre deux : ici, le passage du thrilleur au fantastique. Pas moi. C'est un réel parti pris, mais qui rend l'ensemble un peu grossier et  m'a fait perdre le fil du roman.  

Néanmoins, ne jetons pas le Concile de Pierre à ce pauvre Grangé, car il y a bien pire : le film. Il est vrai que ce dernier partait sur un terrain tellement glissant, que je ne vois pas comment l'adaptation cinématographique aurait pu donner quoi que ce soit. Et inévitablement, ce film n'est vraiment pas une grande réussite, loin de là ! Il pointe du doigt une vérité propre à Jean-Christophe Grangé : ses adaptations sont ratées.  

En conclusion, si vous le souhaitez, vous pouvez lire le livre, qui se lit, mais qui - disons-le franchement -  ne changera pas votre vie !






samedi 18 avril 2020

L'intrusion de Quentin Lafay

Concernant ce livre, je l'ai découvert par hasard via un article du Figaro. J'ai toujours un peu de mal avec les romans conseillés par des journaux, car ils sont souvent soporifiques ou indigestes, ou encore trop grand public pour moi... mais parfois, grâce à un journaliste qui écrit un article éclairé et inspirant, on peut - et on doit - se laisser tenter.

Ce fut mon cas pour L'intrusion, de Quentin Lafay (ancienne plume de Macron) dont le thème, complètement d'actualité, et le bandeau "Je me suis fait pirater", ont tout de suite su retenir toute mon attention

En effet, cet ouvrage, inspiré de faits réels (les Macron Leaks), raconte comment un petit employé de bureau peut, en cliquant sur un simple lien qui se révèle être un malware, dévoiler au grand jour l'ensemble des secrets de son entreprise, mais également toute sa vie privée, et celle de ses contacts les plus proches. C'est l'histoire malheureuse de Quentin Lafay lui-même, romancée et réinventée à travers ce roman, qui nous fait réfléchir à la notion de vie privée à l'ère du numérique.

Et vous, que feriez-vous à la place de Gaspard, protagoniste malheureux du roman de Quentin Lafay ?


Titre : L'intrusion

Auteur : Quentin Lafay

Date de parution : février 2020

Éditeur : Gallimard


Résumé : Gaspard travaille chez Avicenne, une entreprise véreuse qui intervient dans l'ombre pour des politiques et des Etats, sur des sujets pas toujours légaux. Un jour, il reçoit, sur sa messagerie privée, un mystérieux mail de la part de l'une de ses collègues, l'invitant à cliquer sur une pièce jointe dont il devrait impérativement prendre connaissance. Curieux, il clique. Erreur fatale ! Il s'agit en fait d'un malware. Demain, toute sa messagerie sera étalée au grand jour. Demain, tout le monde connaîtra le contenu de ses mails personnels et de l'ensemble des fichiers de son entreprise. A priori, il n'a rien à cacher... mais, et si ses amis, avec lesquels il échange depuis plusieurs années, n'étaient pas dans son cas ? Et si sa boite n'était pas si innocente ? Par ricochet, tous ceux qui l'ont côtoyé depuis des années sont menacés... et ses liens avec eux dans le même temps...

Mon avis : un roman très intéressant, qui a le mérite de nous mettre face à nos responsabilités et de nous interroger sur le sens du terme "vie privée" à l'heure du tout numérique. Le livre est assez flippant et nous rappelle que, dans notre société de sur-information, nous sommes tous vulnérables. Même si nous avons le droit à l'oubli, Quentin Lafay nous scande qu'à l'heure d'Internet personne n'oublie rien, jamais.
Ce qui a 10 ans, 15 ans 20 ans... nous qui n'effaçons souvent rien de nos mails, que ferions-nous si tout ressortait au grand jour ? Paierions-nous le prix fort pour les propos d'une personne qui n'est plus vraiment nous mais qui l'est néanmoins ? Peut-on prendre pour argent comptant les pensées et les écrits de la personne que nous étions à ce moment-là, même si depuis, nous sommes devenus quelqu'un d'autre, que nous avons changé ? 
C'est exactement ce qui arrive à notre protagoniste et, si ce dernier récolte ce qu'il a semé, l'homme qu'il est aujourd'hui ne pense souvent plus le moindre mot de ce qu'il a pu écrire autrefois... Quentin Lafay, à travers sa (presque) fiction, ne nous fait pas réfléchir sur son cas, mais sur le nôtre. Que ferions-nous si nous étions exposés ?
Si le roman est prenant, haletant, on regrettera néanmoins un texte un peu court, une conclusion un peu hâtive, et un livre qui aurait mérité un peu plus d'approfondissement... et de profondeur.




samedi 11 avril 2020

Le cas zéro de Sarah Barukh

Le cas zéro est typiquement le cas d'un livre découvert par hasard, sur une plateforme de téléchargement. Intriguée par la couverture, j'ai alors cliqué sur le résumé. On est bien loin ici des polars ou romans d'aventure que j'ai l'habitude de lire et de vous commenter, mais un "je ne sais quoi" m'a convaincue d'acheter ce livre. Le fait qu'il soit inspiré de faits réels, peut-être, même si le sujet, l'apparition du Sida en France, est moins immédiat d'accès que certains best sellers. 

Quoiqu'il en soit, je me lançais dans la lecture du roman, sans savoir qu'au moment d'en rédiger la critique, nous nous trouverions dans une situation très similaire : l'apparition en France d'une pandémie qui s’avérerait internationale, les questions et errances  du corps médical ainsi que la peur face à l'invisible, les erreurs gouvernementales... Un livre qui n'aide pas vraiment à prendre du recul sur la situation actuelle, mais qui analyse, sans fard, un épisode clé de notre histoire médicale, vu de l'intérieur.


Titre : Le cas zéro

Auteur : Sarah Barukh

Date de parution : mai 2018

Éditeur : Albin Michel


Résumé : tout commence par un cas, incompréhensible et inquiétant. Une série de symptômes incohérents, jamais vu ensemble, mais d'une gravité extrême. Laurent Valensi, médecin à l'hôpital Saint-Louis, ne sait comment soigner son patient, Ali Benyoussef. Partagé entre sa famille, qui veut le protéger d'une possible contamination, et des responsables déterminés à enterrer l'affaire, il se lance dans une course contre la montre et contre la mort. Il est déterminé à sauver cet homme et à faire éclater la vérité : et si Ali Benyoussef était le patient zéro, en France, de la terrible épidémie qui fait rage aux Etats-Unis et que l'on commence à nommer "le cancer homosexuel" ? Une version romancée mais terriblement crédible de la gestion de l'arrivée du Sida en France...


Mon avis : difficile de faire une critique de ce roman sans faire de parallèle avec la crise sanitaire mondiale en lien avec le Covid-19. On y retrouve de nombreuses similitudes, entre le désarroi du corps médical, les autorités qui veulent minimiser l'impact médiatique d'une telle "épidémie", la souffrance et la peur des patients, la volonté de sauver la vie coûte que coûte de notre protagoniste, des questions qui laissent la place à encore plus de questions, l'ère de la désinformation, la bêtise humaine en réaction à l'inconnu... Plus d'un an après sa sortie, le livre est, plus que jamais, d'actualité. Même si l'histoire ce situe il y a quelques décennies et raconte l'histoire d'une maladie qui, depuis, est connue et commence à être maîtrisée... le roman raconte une vérité immuable ! La gestion humaine face à l'inconnu, ici dans le cadre d'une crise sanitaire d'une ampleur inégalée. Sarah Barukh raconte avec brio, sa vision de l'Histoire, dans un roman qui prend aux tripes et qui nous fait assister, impuissants, à un scénario qui nous échappe totalement. Entre espoir et désillusion, l'auteur nous promène dans une oeuvre qui ne saurait nous laisser indifférents et qu'on n'arrive pas à lâcher. On s'émeut pour le pauvre Ali benyoussef, on espère et on se bat aux côtés du Dr Valensi... J'ai adoré ce bouquin qui m'a transportée loin des sentiers battus, et qui se veut, au-delà des aspects factuels, plein d'humanité et touchant de mille façons...








samedi 4 avril 2020

L'embaumeur d'Isabelle Duquesnoy

En cette période de crise sanitaire, une explication de texte autour de la thématique de l'embaumement n'est peut-être pas du meilleur goût. Néanmoins, pour ceux qui ont du temps pour lire et qui ont le moyen de se procurer ce roman, c'est un très bon passe temps, un poil moins anxiogène que La peste, même si un peu glauque aussi quand même.

Comme toujours, en ce qui est de trouver des petites perles, ma belle-soeur Audrey est de très bon conseil. Ici, on délaisse les romans policiers - quoi que - que j'affectionne tout particulièrement pour se plonger dans un roman plus historique, qui nous raconte l'histoire d'un embaumeur au XVIIIème siècle, post-révolution française. L'Histoire avec un grand H, histoire (avec un petit h) de sortir de sa zone de confort...


Titre : L'embaumeur ou l'odieuse confession de Victor Renard   

Auteur : Isabelle Duquesnoy

Date de parution : août 2017

Éditions de La Martinière


Résumé : Victor - Victordu ou encore Victorticolis - est difforme. Non content de commencer dans la vie par une difformité, il est élevé par une mère qui lui reproche toute son enfance d'être venu au monde en étranglant son frère jumeau avec son cordon ombilical. Il était bien mal parti, Victor. Mais alors que son père trépasse et qu'il faut nourrir son infâme mère, il échappe miraculeusement à sa condition misérable en devenant embaumeur. Victor va alors passer sa vie au milieu de cadavres. Et en la matière, il excelle. Surtout qu'après la Révolution, ce ne sont pas les morts qui manquent, à Paris. 
Un roman qui commence devant les tribunaux : Victor étant promis à la guillotine, il se raconte. Pendant 11 jours. Ses penchants amoureux, son travail auprès des morts, le commerce des organes et le secret de sa fortune... et comment il est devenu l'homme le plus détesté de Paris. 

Mon avis : une vision riche et intéressante du Paris post-Révolution française, qui nous plonge dans un certain obscurantisme, que l'auteure maitrise à la perfection (elle a mis 10 ans à collecter toute la substantifique moelle nécessaire à la rédaction de cet excellent roman !). On est immédiatement happé dans l'univers glauque des embaumeurs de l'époque. On se divertit tout en apprenant sur un sujet que nous n'aurions jamais imaginé aborder... un sujet cru, mais immensément captivant, contre toute attente. 
Le petit plus : tout ce qui relie l'art de l'embaumement avec la peinture et la recherche de pigments de couleurs à l'époque, les organes des morts étant alors l'objet d'un trafic très lucratif... 
Au-delà de l'aspect historique, Isabelle Duquesnoy réussit le pari de nous faire nous attacher à ce Victor, anti-héros par excellence dont on ignore tout du crime jusqu'à la fin, crime qu'on intuite sans pour autant jamais l'imaginer. 
Toutefois, j'ai trouvé quelques passages vraiment dérangeants, et même s'ils ont le mérite d'être replacés dans un contexte historique, je n'ai pas toujours été à l'aise avec l'entièreté du roman.
En conclusion, L'embaumeur est un très bon roman historique, qui mérite d'être lu... sauf pour les âmes sensibles, qui peuvent s'abstenir. Un genre de Parfum à la Patrick Süskind - en un peu moins bien -, qui devrait en ravir les amateurs !